LES INFRASTRUCTURES SONT AU COEUR DU GRENELLE

PAR DOMINIQUE BUSSEREAU, SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES TRANSPORTS

Extrait du site Le Moniteur - Vendredi 11 avril 2008

Réussir le report modal tel qu'affiché lors du Grenelle de l'Environnement nécessite des infrastructures nombreuses et pérennes.
Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des Transports, détaille au Moniteur les moyens pour y parvenir.

Le Grenelle de l'Environnement a placé les transports au cœur des débats. Comment vont se concrétiser les conclusions des tables rondes ?

Nous finalisons autour de Jean-Louis Borloo les textes de loi qui permettront de mettre en œuvre le Grenelle de l'environnement. Une première partie va graver dans le marbre les engagements du Grenelle. Dans le domaine des transports, ce sont le principe de report modal, le principe des 2.000 km de lignes à grande vitesse à lancer d'ici à 2020, l'esquisse de 2.500 km supplémentaires. Je n'oublie pas les 1.500 km de transports en commun en site propre, programmés en liaison avec le Gart (groupement des autorités responsables de transports publics) et le plan Espoir banlieue de Fadela Amara.

Un deuxième partie ressemblera les mesures d'application des principes énoncés dans le Grenelle et la mise en oeuvre de nos engagements européens, par exemple la mise en place de l'autorité de régulation ferroviaire, de la redevance d'utilisation du réseau d'infrastructures pour les poids lourds, la transposition de la directive européenne "Eurovignette" actuelle, le renforcement des compétences des autorités organisatrices de transport urbain, la dépénalisation du stationnement payant,...

Compte tenu de leur ampleur, ces textes seront répartis en plusieurs projets de loi qui seront déposés à partir de ce printemps. Les mesures les plus urgentes devront être votées avant la fin des travaux parlementaires en juillet.

Un nouveau comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (Ciact) sera-t-il nécessaire ?

Le choix par le Premier ministre d'organiser un nouveau Ciact n'est pas fait. Il est aussi possible de considérer qu'une loi listant des infrastructures et contenant des éléments de programmation vaut Ciact.

Nicolas Sarkozy a indiqué vouloir faire passer la part de fret non routier de 14 à 25% en quinze ans. Que cela signifie-t-il en terme d'infrastructures ?

Les infrastructures sont intimement liées aux plans de relance que nous mettons en oeuvre. Par exemple, dans le domaine ferroviaire, si l'on veut que la SNCF réussisse son pari commercial de reconquête du fret, que ses concurrents poursuivent leur développement et que se créent des opérateurs de proximité, il faut des infrastructures. Nous jouons sur plusieurs tableaux : des infrastructures nouvelles mixtes (voyageurs/fret); des corridors classiques libérés par la construction de lignes nouvelles ; des projets spécifiques pour éliminer des points de congestion. En parallèle, un effort particulier devra être entrepris pour accélérer la régénération du réseau.

Comment accueillez-vous l'offre d'achat de Geodis, entreprise de transport et de logistique, par la SNCF ?

Je m'en réjouis. Cette synergie, que j'appelle de mes vœux depuis longtemps, va permettre un pilotage unifié et donc un vrai travail en commun des activités fret et logistique de la SNCF et de Geodis (ndlr : déjà détenue à 43% par la SNCF). Elle s'inscrit dans la stratégie de reconquête du fret par la SNCF, qui est la priorité du gouvernement, et va lui permettre de figurer parmi les leaders mondiaux dans ce secteur.

Quels sont vos objectifs en matière de transport fluvial ?

L'enjeu majeur est le lancement effectif des travaux du canal Seine Nord Europe. En parallèle, dans le plan de relance des ports, un volet important sera consacré aux dessertes fluviales et ferroviaires des hinterlands. La loi tiendra compte des remarques faites par la profession pour éviter les conflits d'usage et lever quelques verrous juridiques.

Quelle sera la place de la route dans les années à venir ?

Si elle n'est plus privilégiée, la route n'est pas pour autant abandonnée. Les conclusions du Grenelle énoncent qu'une nouvelle infrastructure routière devra démontrer son intérêt dans la lutte contre la congestion, pour l'amélioration de la sécurité routière ou pour l'aménagement du territoire local. Il y aura toujours des investissements routiers et autoroutiers, mais ils seront étudiés différemment, à l'aune du développement durable. Nous travaillons avec le ministère des finances sur les arbitrages à réaliser pour mettre en oeuvre les PDMI (programmes de développement et de modernisation d'itinéraires) à partir de 2009. L'A65 Langon-Pau est un coup parti. Le contournement autoroutier de Strasbourg et la liaison Lyon-Saint Etienne ont été confirmés et nous réfléchissons à la meilleure manière d'achever l'A 831 (Fontenay-le-Comte / Rochefort). La France ne revient pas aux chemins muletiers. Nous connaissons l'importance du transport routier dans notre économie.

Pour atteindre l'objectif de report modal, quel rôle sera dévolu à l'Afitf (agence de financement des infrastructures de transport de France) ?

Pour l'heure, la mission de l'Afitf est de flécher les projets et d'utiliser les ressources. Nous souhaiterions, Jean-Louis Borloo et moi-même, qu'elle participe au montage de financements innovants. Qu'elle passe du rôle de tirelire à celui de boîte à outils.

Dès 2009, l'Afitf n'aura plus les moyens de ses ambitions. Quelles seraient ses nouvelles ressources ?

Dès lors que le Parlement l'aura voté, nous nous attellerons à la mise en place de la redevance d'infrastructures pour les poids lourds sur le réseau national non concédé et éventuellement sur quelques voies départementales qui pourraient être l'objet de report de trafic, en accord avec les conseils généraux. Nous estimons qu'à l'horizon 2011, elle rapportera entre 800 millions et un milliard d'euros par an. Nous réfléchissons aussi à plusieurs autres recettes complémentaires : taxe sur les bureaux, versement d'une partie des dividendes de la SNCF… En ce qui concerne les transports urbains, nous regardons de près la question de la plus value foncière réalisée grâce à la construction des infrastructures. C'est une question complexe, difficile à quantifier mais très intéressante.

La commission économique du Sénat vient de nous remettre un rapport sur les infrastructures qui détaille ces solutions et en explore d'autres…(ndlr : en cahier détaché n°2 de ce numéro)

Faut-il permettre à l'Afitf de recourir à l'emprunt ?

C'est une question lancinante. Nous le souhaiterions. La question n'est pas arbitrée, car tout emprunt viendrait alourdir le déficit public.

Qu'attendez-vous des partenariats publics privés ?

Nous ne tiendrons pas nos objectifs sans recourir à des partenariats publics privés. Avec un financement privé à 50% sur des projets comme la LGV Sud Europe Atlantique (SEA) ou le canal Seine Nord Europe, ou totalement, comme sur la liaison CDG Express. De ce point de vue, l'expérience de la LGV SEA sera enrichissante. Nous en bouclons actuellement le plan de financement. Des projets routiers sont également concernés : la route Centre Europe Atlantique en Saône et Loire, la RN 88 dans l'Aveyron, la rocade L2 à Marseille...

Pour réaliser les nouvelles lignes ferroviaires et régénérer les existantes, Réseau Ferré de France veut augmenter son tarif de péage. Ce dont ne veut pas attendre parler la SNCF. Comment allez-vous arbitrer ?
Il faut trouver un équilibre intelligent pour ne pas freiner le succès du TGV tout en permettant la construction de lignes nouvelles, la mise en place d'un réseau dédié au fret et la rénovation du réseau classique. Avec l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs en 2010, il est assez logique que chaque opérateur paie une redevance pour l'usage d'infrastructures financées par les contribuables français. Pour autant, il n'est pas question de casser le modèle de croissance de la SNCF.

Faut-il revoir la loi de 1997 qui a permis la création de Réseau Ferré de France ?

Je considère que la loi de 1997, dont j'ai été un ardent défenseur en tant que parlementaire, a bien rempli sa mission. Nous voyons bien dans la façon dont RFF a géré la construction de la LGV Est qu'un système un peu lourd a été dépoussiéré. Mais dix ans après, il y a des améliorations à apporter. Par exemple, sur la question de la gestion du patrimoine au coeur des villes. Pour apporter ces améliorations, j'ai proposé au Premier ministre la nomination pour une mission de six mois d'un parlementaire, Hubet Haenel, conseiller d'Etat, fin connaisseur du système ferroviaire et qui était jusqu'à très récemment membre du conseil d'administration de la SNCF. A l'issue de cette mission, nous ferons un texte de loi si nécessaire.

Au mois de juin, la France assurera la présidence de l'Union européenne. Quels seront les sujets majeurs pour les transports terrestres ?

Tout le ministère est mobilisé. Avec Jean-Louis Borloo, nous estimons que 60% des sujets de la présidence française relèvent du Medat. Première priorité pour les transports : les transports durables. Nous allons apporter un soutien fort à Jacques Barrot lorsqu'il proposera la révision de la directive Eurovignette. Nous nous attendons à des oppositions et nous devrons faire preuve d'une grande pédagogie par rapport aux Etats membres qui ne sont pas des pays de transit. Les six mois de présidence française seront mis à profit pour faire avancer ce dossier. Je n'oublie pas le livre vert sur les transports urbains, les propositions de la commission sur les véhicules propres…

Deuxième priorité, la sécurité avec le paquet Erika 3 dans le maritime, la gestion rationalisée du ciel dans l'aérien ou la possibilité de sanctionner réellement les contrevenants européens dans le routier.

En parallèle, nous pousserons à l'amélioration des Réseaux de transports européens (RTE). Lors du précédent appel à projets, la France a su tirer son épingle du jeu puisqu'elle est le deuxième pays bénéficiaire des crédits européens, après l'Italie.

Sur tous les sujets, nous travaillons déjà avec les deux présidences qui suivront la France, la République Tchèque et la Suède. Il y aura deux Conseils des Ministres des Transports sous présidence française. L'un à Bruxelles, l'autre au Luxembourg et un Conseil informel les 1er et 2 septembre à la Rochelle. Nous accueillerons le séminaire européen sur la sécurité routière à Paris le 13 octobre prochain.

Propos recueillis par Bertrand Fabre et Julien Beideler

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